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Faire
le bon choix !
Au
printemps 1998, notre moral est bas. Avec Claude-Alain Diserens dit Claudal,
nous avons pris la décision d'abandonner la désobstruction d'un
gouffre qui pourtant s'avérait prometteur. Après une quinzaine
de journées acharnées,
notre choix est d'autant plus difficile que ce n'est pas par manque de motivation
que nous renonçons, mais pour des raisons de sécurité.
En effet, nous sommes à cinquante mètres de profondeur dans un
gouffre du Jura vaudois, à la base d'un puits de 9 mètres. A cet
endroit, un méandre étroit s'en échappe, mais devient rapidement
impénétrable à l'homme. Les chances de découvrir
une suite sont bonnes puisque plusieurs indices sont de notre côté.
D'abord la géologie, nous sommes dans les calcaires du Portlandien, très
proche de la limite du Kimméridgien, un calcaire plus tendre où
l'eau creuse généralement des volumes plus conséquents.
Ensuite, un léger courant d'air nous accompagne dans notre boyau, ce
qui, à la manière d'un courant qui se crée dans une maison
en laissant 2 fenêtres ouvertes, nous laisse présager un prolongement
intéressant puisque l'air circule avec d'autres lieux. Pour terminer,
nous sommes en présence d'un petit ruisseau, ce qui veut dire que l'eau
s'est frayé un chemin tel un affluent qui va rejoindre un cours principal
où sont collectées toutes les eaux de la région.
Depuis le début de nos travaux, nous avons progressé de 18 mètres.
A chaque minage, nous devons évacuer quelques centaines de kilos de rocher
jusqu'à la base du puits, le seul endroit possible pour stocker les cailloux.
A force d'entasser les rochers, nous avons dû monter un mur protégeant
l'accès au méandre, et aujourd'hui cet édifice somme toute
instable menace inévitablement de s'effondrer. Dans le meilleur des cas,
nous ne serons pas présents dans le gouffre, mais dans le pire il peut
aussi s'affaisser sur nous. Alors dans le doute, et avec une profonde amertume,
nous avons décidé de renoncer. Quand on a passé des centaines
d'heures à la tâche et qu'il faut renoncer de la sorte, c'est toujours
difficile à encaisser.
En octobre de cette même année, nous effectuons en soirée
une reconnaissance dans les deux grottes aux Fées de Vallorbe, à
la recherche d'une nouvelle désobstruction. Dans la Petite grotte, la
continuation des travaux dans la faille des Genevois fut rapidement écartée,
car comme pour notre précédente désobstruction, il n'y
a que très peu de place pour entreposer les déblais de roche ;
ce qui impliquera de devoir rapidement renoncer aux travaux.
Dans la Grande grotte, notre intérêt se porte sur la faille des
Lausannois. Cet endroit a déjà vu passer bon nombre de spéléologues
en quête de désobstruction, mais la configuration et l'étroitesse
des lieux ont rapidement découragé les plus téméraires.
Il faut dire que la fissure ne fait que dix centimètres de large pour
environ deux mètres de haut, et l'on distingue qu'elle se prolonge semblablement
sur plusieurs mètres. Pour compliquer les choses, l'accès est
étroit et nécessite de nombreux aménagements.
Au mois de juin 2000, les frères Demierre (GSL) découvrent quelques
mètres de prolongements dans la grotte du Gaucher, une petite cavité
s'ouvrant à quelques dizaines de mètres en contrebas des grottes
aux Fées. Ils n'auront guère plus de chances que nous, car ils
doivent rapidement stopper l'exploration dans une zone étroite et dangereuse,
avec des blocs instables coincés au-dessus d'eux. Mais le plus intéressant
est, qu'ils remarqueront que les 3 cavités exhalent simultanément
un courant d'air sortant. Cette information sera déterminante, car elle
ne fait que confirmer la présence d'un réseau caché, et
non pas une circulation interne entre les 3 grottes.
Avec Claudal, nous décidons de revoir la fissure de la Grande grotte,
le seul endroit envisageable pour tenter une désobstruction. Nous voulons
inspecter les lieux plus en détail au cas où un indice nous aurait
échappé. Nous sommes sur place le 1er juillet, et cette fois un
événement de taille va nous ébranler... Accroupis devant
la faille, un courant d'air extrêmement puissant nous gifle de plein fouet.
La surprise est totale, car au même endroit deux ans plus tôt, ce
même courant était à peine perceptible. Cette manifestation
n'est guère étrangère et s'apparente aux effets de la climatologie
(ensemble de phénomènes liés à la météorologie).
Les principes sont assez complexes, mais pour simplifier, disons qu'un courant
d'air va se créer entre 2 ouvertures lorsqu'il y a différence
de température entre l'air extérieur et l'air de la grotte, et
que celui-ci va se diriger dans un sens ou dans l'autre si la température
extérieure est au-dessus ou au-dessous de celle du milieu souterrain.
Donc en été, une entrée supérieure va aspirer et
en hiver cette même entrée va souffler. On dénote aussi
que plus les distances et les écarts de température seront grands
et plus le courant d'air sera puissant.
Puisque actuellement il fait grand beau et que nous sommes en plein mois de
juillet, ceci explique cela. Mais pour nous le message est maintenant clair
: nous sommes en présence d'un réseau de galeries cachées,
et la fissure devant nous est le chemin le plus court pour y accéder.
Mais combien de mètres de roche faudra-t-il enlever ? Visiblement quelques
mètres, mais c'est peut-être vingt voire cinquante mètres
! Malgré cela nous sommes très optimistes, en conséquence
la décision est prise d'entreprendre les travaux.
Jeudi
7 septembre 2000
Avant de commencer la désobstruction de la faille proprement dite,
il est indispensable d'agrandir l'accès de cette dernière. Avec
l'expérience, nous nous sommes rendus compte qu'il vaut mieux perdre
quelques journées afin de créer un passage confortable pour
les déplacements avec seaux remplis de cailloux, plutôt que de
conserver les dimensions restreintes d'origine. Le portage des charges est
déjà pénible en soi, si en plus du poids il faut se contorsionner
dans de mauvaises positions pour les déplacer, c'est donc forcément
au dépend de l'efficacité ; le but est quand même de déplacer
un maximum de roche avec un minimum d'effort.
Actuellement, le départ de la faille est surplombé d'un ressaut
vertical de deux mètres dont le franchissement est malaisé.
La journée sera occupée à miner le passage, afin qu'un
seau puisse au moins y passer sans en renverser le contenu.
Samedi
16 septembre 2000
Les travaux reprennent au niveau du ressaut, ainsi que le petit méandre
y conduisant. Pour le minage, nous utilisons la technique dite "des micros
charges". En forant des petits trous de huit millimètres de diamètre,
une petite charge explosive peut ainsi être introduite au cur
du rocher.
Chaque orifice est ensuite relié par des détonateurs électriques,
qui seront déclenchés simultanément. Cette technique
est la même que celle employée lors des secours souterrains,
car elle permet, outre une mise en place très rapide, de provoquer
un faible dégagement de gaz. En effet, une explosion génère
obligatoirement des gaz toxiques qui peuvent s'avérer mortels à
haute dose. C'est pourquoi nous travaillons avec des quantités très
minimes de l'ordre de 2-3 grammes par trou, afin de limiter au maximum la
teneur des gaz. Pour pouvoir acheter et disposer d'explosif, il faut être
en possession d'un permis de minage, qui s'obtient après avoir suivi
une formation et un examen. Nous sommes tous deux en possession de ce permis,
ce qui facilite grandement nos opérations.
Samedi
30 septembre 2000
Etant seul pour cette sortie, je teste différents accessoires
afin d'améliorer constamment notre technique. Il faut savoir que le
minage souterrain est une pratique établie au niveau des règles
de sécurité en vigueur, mais pour ce qui est du choix des explosifs
et des méthodes de mise en place, chaque mineur va développer
sa propre "alchimie" en fonction de la pratique et des résultats.
Samedi
14 octobre 2000
Le minage nécessite de percer de nombreux trous. Les
perceuses à accumulateur permettent d'en faire une bonne série,
mais sur une journée entière rien ne vaut le confort d'une perceuse
électrique, avec des performances généralement accrues.
Nonobstant, ce choix implique de disposer d'un groupe électrogène
à l'extérieur de la cavité. Heureusement pour nous, l'entrée
est située à quelques minutes de la route cantonale, et il nous
suffit de laisser la génératrice en bordure de la chaussée,
à l'abri des regards indiscrets. Pour éviter de tirer la ligne
à chaque sortie jusqu'à la grotte, nous sommes occupés
aujourd'hui avec l'aide d'une grande échelle, à placer un câble
électrique le plus haut possible afin qu'il se dissimule dans les arbres.
Ainsi, au début de chaque journée, il nous suffit de dérouler
depuis l'entrée une grosse bobine électrique de 120 mètres
jusqu'au chantier, où un nouveau câblage en place prend le relais.
Dans la grotte, nous fixons également une guirlande lumineuse dans
la zone de désobstruction, étant donné que nous disposons
de courant en permanence. Cela crée une ambiance sympathique et apporte
un certain confort de travail, et cela permet également de libérer
les participants dotés d'un réservoir acétylène,
relativement encombrant en milieu confiné.
Samedi
21 octobre
2000
C'est à nouveau seul que je me retrouve aux Fées, afin d'effectuer
les derniers aménagements avant le début de la désobstruction.
A ce propos, on entend souvent dire qu'il ne faut jamais s'aventurer seul
sous terre. Ce n'est effectivement pas conseillé pour les novices,
mais après de nombreuses années de pratique et quelques sorties
en solitaire à plus de 500 mètres de profondeur, je peux affirmer
que lorsque l'on est seul, on est jamais aussi prudent dans les manuvres
et déplacements que lorsque l'on est en groupe. Cela provient simplement
du fait que notre attention est pleinement concentrée sur ce que l'on
fait. A partir de là, il est clair que la fatalité peut rentrer
en ligne de compte, mais avec un bon état d'esprit ce genre d'hypothèse
ne vient pas perturber la pensée. De plus, ceux qui ont tenté
l'expérience peuvent en témoigner : le milieu souterrain apporte
un bien-être régénérateur dont la solitude permet
d'en extirper toute la force.
Jeudi
23 novembre 2000
Malgré que nous soyons en semaine, nous avons décidé
de prendre congé pour ce grand jour. Cela fait 5 séances que nous
préparons le terrain et aujourd'hui c'est le début officiel des
désobstructions au départ de la faille des Lausannois.
Le travail de la journée est simple : nous perçons, chargeons
les trous et effectuons la mise à feu. Puisque l'endroit est bien ventilé,
nous attendons quelques minutes que les gaz se dissipent et nous pouvons ensuite
commencer l'évacuation des gravats provoqués par l'explosion.
Pour le transport des cailloux, nous utilisons des seaux de maçon, d'une
robustesse à toute épreuve ; il faut d'ailleurs s'imaginer que
quand cela bloque, ce n'est généralement pas dans la douceur que
la situation se débloque
Tout ce processus prend passablement de temps et ne pourra être répété
que deux ou trois fois dans la journée. Au final, si tout se passe bien,
nous arrivons à progresser d'environ un mètre par jour.
Samedi
9 décembre 2000
Cette fois, nous avons un peu de renfort en la personne de Jacques.
Dans le club, c'est le spécialiste en topographie et dessin informatique.
Ses compétences techniques ne seront d'aucune utilité aujourd'hui,
mais sa présence est surtout bienvenue pour le transport des cailloux
!
En effet, la phase la plus pénible arrive au moment où il faut
déplacer les rochers occasionnés par le minage. Sur le front,
une première personne accroupie s'occupe de remplir les seaux, tandis
que les autres prennent le relais pour l'acheminement vers un lieu de décharge.
C'est un travail épuisant, car un seau chargé atteint facilement
les dix kilos, et puisque nous sommes peu nombreux nous n'avons pas d'autres
alternatives que de se déplacer avec le récipient. A l'avenir,
nous allons donc devoir recruter quelques volontaires pour nous aider.
Mardi
12 décembre
2000
Avec Claudal nous sommes bien motivés puisque c'est à nouveau
en semaine nous nous retrouvons. Le travail est plus pénible à
deux, mais il avance malgré tout. Nous avons acheté une série
de seaux supplémentaires, car nous nous sommes rendu compte que plutôt
que de les déplacer à mesure qu'ils sont remplis, il est plus
facile en étant peu nombreux, de les entasser puis de se les passer
en faisant une sorte de chaîne ; même qu'aujourd'hui elle n'a
que deux maillons ! L'opération se répète ainsi tous
les deux mètres jusqu'au lieu de décharge. Cet endroit où
l'on dépose nos cailloux, est en fait un élargissement formant
un petit carrefour à quelques mètres du ressaut de 2 mètres.
Pour ce dernier, nous avons installé une corde qui passe dans une poulie
au plafond, permettant ainsi d'alléger le poids de la charge (principe
de la démultiplication). C'est vraiment soulageant, car auparavant
il fallait se passer les seaux tendus à bout de bras.
Samedi
3 février 2001
En cette nouvelle année, les activités reprennent dans notre
chère faille des Lausannois. Depuis le début des hostilités,
nous avons avancé d'environ quatre mètres, et la fissure se
prolonge toujours dans les mêmes conditions. Nous savons que nous avons
entamé un travail de longue haleine et notre motivation est toujours
excellente.
Aujourd'hui, nous avons réussi à recruter un homme de plus en
la personne de Jean-Daniel, un ancien du club.
Pour la suite des travaux, nous avons décidé de changer quelque
peu notre technique de minage. Jusqu'ici, nous avons utilisé des micros
charges de 2-3 grammes conditionnées pour des trous de huit millimètres
de diamètre. La profondeur variable de trente à quarante centimètres
par trou, correspond en général à la quantité
de roche que l'on peut enlever. Ce procédé est efficace dans
la mesure où il permet de déterminer avec précision le
volume à soustraire, tout en dégageant une quantité minime
de gaz (CO). Toutefois, cette méthode atteint rapidement ses limites
à partir du moment où l'on veut enlever un plus grand volume.
C'est pourquoi nous perçons aujourd'hui des trous de douze millimètres
de diamètre pour une longueur d'environ un mètre.
Dans chaque trou, nous introduisons du cordeau détonnant, faisant office
d'explosif. Avec une moyenne de 4 trous répartis sur la hauteur de
la faille, nous arrivons à un total de presque 200 grammes de Penthrite.
C'est certes conséquent, mais cela va nous permettre de dégager
plus d'un mètre cube de rocher en un seul tir. En revanche, ce procédé
génère beaucoup de gaz nocifs, notamment du CO et des gaz nitreux.
Cela implique de devoir quitter les lieux rapidement après le tir et
d'attendre quelques jours que les gaz se dissipent entièrement. En
effet, il faut savoir que les gaz mélangés aux cailloux pulvérisés
par l'explosion vont stagner plus longtemps dans l'épaisseur de l'éboulis,
car ils sont plus lourds que l'air.
Pour l'heure, nous venons de déclencher la mise à feu. Un rapide
coup d'il avant de partir nous indique qu'un volume impressionnant de
gravats a obstrué la faille. En fait, c'est tout à fait normal
en sachant que si l'explosion a déplacé un mètre cube
de roche compacte, cela correspond évidemment à un volume de
cailloux beaucoup plus important. Donc, pour la prochaine fois, il faudra
prévoir beaucoup de monde pour dégager tout ça
Mardi
6 février 2001
Depuis quelques jours, nous sommes tracassés par un léger
doute levé par Jacques.
Nous savons que les courants d'air de la Petite et Grande grotte proviennent
du même endroit ; en fait ce que nous cherchons à atteindre ! Nous
savons aussi que dans la faille des Genevois (Petite grotte), la configuration
de celle-ci ressemble étrangement à la nôtre. Donc, si nos
deux failles sont en réalité la même, la question est de
savoir lequel des 2 endroits est le plus avant ?
A défaut d'un plan ultra précis où l'on verrait la superposition
des deux grottes, nous avons eu l'idée de brûler un bâton
d'encens dans la faille des Lausannois, puis d'aller dans l'autre grotte pour
détecter l'odeur caractéristique.
Dans ce but, c'est en compagnie de Jacques que nous nous retrouvons à
trois un soir de semaine. Après avoir placé le bâton d'encens
dans la faille des Lausannois où nous constatons qu'un bon courant d'air
se dirige en direction de l'entrée, nous nous déplaçons
dans la Petite grotte jusqu'à la faille des Genevois. Là, c'est
avec allégresse que nous sentons le parfum de l'encens. En conséquence,
il semblerait bien que l'endroit où nous travaillons soit le plus propice
puisqu'il est le plus amont. Mais là encore, ce n'est pas vraiment garanti,
car il arrive parfois que les courants d'air nous jouent des tours. Donc dans
l'incertitude, la solution efficace serait de refaire des mesures topographiques
très précises dans chaque grotte. Jacques a l'air motivé,
c'est pourquoi nous en saurons plus dans quelque temps.
Samedi
3 mars 2001
Au club spéléo de Lausanne, nous avons réussi à
recruter des intéressés. Sept personnes sont au rendez-vous, ce
qui, en regard de la montagne de cailloux provoqués par le dernier minage,
ne sera pas de trop pour la tonne et demie de roche à évacuer
!
Avec Claudal, nous sommes heureux d'être enfin plus nombreux. A deux c'est
vraiment pénible, et même en faisant attention ce n'est jamais
bénéfique pour le dos.
Aujourd'hui, nous pouvons faire une chaîne avec les seaux. Cette méthode
crée une ambiance vraiment sympathique puisque chacun peut converser
avec ses voisins. A quelques mètres du ressaut, nous avons découvert
une petite lucarne latérale conduisant dans une petite chambre hermétique.
C'est un coup de chance, c'est l'endroit idéal pour y déposer
nos gravats.
L'orifice d'accès est quelque peu étroit pour le passage des récipients,
mais un petit minage aura vite fait de régler le problème...
Dans l'après-midi, la faille est enfin dégagée des éboulis
qui l'encombrait. On se rend alors compte de l'efficacité de notre nouvelle
technique de minage, qui nous a permis d'avancer d'un mètre cinquante.
Bien entendu, cela nous encourage à renouveler l'opération. Donc
pour aujourd'hui, afin de préparer le terrain pour la prochaine séance,
nous devons encore percer et faire sauter nos charges avant de quitter les lieux.
Samedi
17 mars 2001
Affluence record aux Fées ! Nous sommes 10 personnes, dont 2 de la section
du Valais (GSR). Ces échanges entre clubs sont très profitables,
ils permettent de tisser de nouveaux liens.
Pour l'occasion, nous avons acheté de nouveaux seaux afin qu'il n'y ait
pas de temps mort entre les allées et venues.
De nouveaux outils viennent également compléter l'ensemble, notamment
un râteau et une pelle en Inox, confectionnés tout spécialement
afin de remplir aisément les seaux. En effet, lorsque nous sommes nombreux
comme aujourd'hui, le poste occupé en début de chaîne est
très éprouvant, il faut remplir les récipients sans discontinuité
pour ne pas ralentir tout le système. De temps en temps, quelqu'un d'autre
prend la relève, et l'on profite habituellement pour intervertir d'autres
postes sur le parcours ;
l'exiguïté fait que certains endroits sont plus pénibles
que d'autres.
L'après-midi, après avoir déblayé la faille, le
bilan est extrêmement positif. Nous avons extrait plus de deux tonnes
de rochers pour une avance d'environ 1,5 mètre. Il faut savoir qu'en
forant des trous d'un mètre, la quantité d'explosif et le fait
de positionner les trous sur une ligne droite créent une sorte d'onde
de coupe qui se propage bien au-delà de la profondeur de perçage.
Il arrive fréquemment que la roche ne soit pas entièrement décollée
des parois, mais si elle est bien effritée et quelques coups de masse
et de barre à mine permettent d'achever le travail.
En regardant dans le prolongement de la fissure, nous avons l'impression qu'un
élargissement se profile environ deux mètres devant nous. Cependant,
il est difficile d'évaluer son ampleur ; c'est peut-être une simple
niche ou un petit élargissement momentané. Dans tous les cas,
c'est très stimulant, car c'est peut-être aussi le début
d'une zone pénétrable qui permettra enfin de concrétiser
nos rêves
Pour l'heure, la plupart des gens ne sont plus d'aucune utilité et ressortent.
Pour Claudal et votre serviteur commence alors le travail habituel de perçage
et minage. Si tout se passe bien, cette tâche va nous prendre un peu plus
de deux heures.
Samedi
31 mars 2001
Aujourd'hui, chacun est très motivé à
la suite de la lueur d'espoir entrevue il y a quinze jours. D'ailleurs, les
11 personnes que nous sommes sont pratiquement les mêmes que la dernière
fois ; les Valaisans venus à quatre sont toutefois mieux représentés.
Le dernier tir a bien réussi, car la faille est intégralement
bouchée. Le travail de fourmi peut alors commencer, avec ses habituelles
allées et venues de seaux tantôt pleins tantôt vides. Dans
cette atmosphère saturée de vapeur et d'humidité, l'éclairage
diffus de notre guirlande électrique crée une ambiance surnaturelle.
Le moral est dantesque et la besogne avance bon train.
De temps à autre, des blocs plus volumineux émergent du tas
de cailloux que l'on s'évertue à débarrasser. S'ils ne
sont pas trop lourds ils sont déplacés de mains à mains,
sinon nous les réduisons en petits morceaux à l'aide d'une masse.
Dans le pire des cas, lorsque la roche est vraiment compacte, nous avons recours
aux micros charges explosives qui font partie intégrante du notre matériel.
A midi
nous stoppons les travaux afin de contenter ceux qui crient famine
depuis un moment ! Habituellement, comme nous sommes à 200 mètres
de l'entrée, nous ressortons. Mais lorsque dehors il fait très
froid comme ces derniers jours, nous préférons rester dans la
grotte où la température constante est de l'ordre de 6 à
8 degrés. Chacun sort son pique-nique, très attendu après
les efforts matinaux. Les Valaisans ont pris de bonnes habitudes, ils emportent
systématiquement le vin. Chacun en profite avec modération,
sinon l'ardeur de l'après-midi va s'en faire ressentir...
Rapidement, les travaux de déblaiement reprennent, car à partir
du moment où l'on ne bouge plus le froid nous gagne gentiment.
Dans la faille, nous avons à peu près extrait tous les cailloux
du précédent minage. Le fameux élargissement que l'on
distinguait est maintenant à portée de mains. Cependant, nous
allons devoir encore effectuer un tir de micros charges, une étroiture
actuellement impénétrable en défend l'accès. Derrière,
nous devinons qu'il y a un petit puits. L'excitation est à son comble,
et c'est bien compréhensible dans ce genre de situation.
Bientôt, les quelques grammes d'explosif ont eu raison de l'étranglement.
Je peux maintenant m'insinuer au-delà en prenant garde où je
pose les pieds. Je descends d'environ deux mètres, et à ce niveau
je me retrouve effectivement dans un élargissement... d'environ 80
centimètres !
Merde !... c'est foutu !
je suis debout sur de gros blocs qui
occupent la totalité du sol, et devant moi c'est également obstrué.
Après l'exaltation, place à la tristesse.
C'est le tribut à payer dans ce genre d'aventure, mais certains d'entre
nous y sont plus habitués que d'autres
Le courant d'air semble provenir de l'éboulis au sol, c'est pourquoi
j'essaye de remuer quelques blocs. Toutefois, la plupart sont volumineux et
nécessitent d'être minés. En basculant mon corps vers
le bas pour y voir de plus près, je distingue entre deux rochers un
petit espace où j'aperçois une paroi un peu plus bas. Je retrouve
un peu d'espoir, je distingue comme des cupules, signe que l'eau a passé
par là à une certaine époque.
Pour aujourd'hui, nous n'allons pas pouvoir faire grand-chose de plus, nous
sommes presque au terme de la journée. C'est à tour de rôle
que certains viennent voir le bas du puits, car il n'y a même pas la
place pour s'y tenir à deux. Avec Claudal, nous décidons quand
même d'effectuer un dernier tir avant de partir. Ceci dans le but d'agrandir
le passage menant au puits, mais également pour réduire le bloc
le plus important du lot.
L'heure
du bilan a sonné
Au terme de 4 sorties où la participation fut suffisante, nous avons
progressé d'environ six mètres, portant à presque une dizaine
de mètres la longueur totale désobstruée depuis le début
des travaux dans la faille des Lausannois. Le terminus, un petit puits formant
un élargissement, est encombré de blocs. Pour continuer il suffirait
donc de les enlever, mais le gros problème est qu'il n'est plus possible
de stocker les cailloux dans la petite chambre habituelle, actuellement comblée.
La seule possibilité, c'est d'acheminer les seaux jusque dans les grandes
salles à près de 40 mètres de distance !!! Mais dans cette
optique, il faudrait disposer d'une chaîne humaine d'au moins 20 personnes,
ce qui n'est absolument pas envisageable.
Avec Claudal, c'est pour nous une nouvelle déception, et en quelque sorte
un retour à la case départ !...
Au mois d'octobre, Jacques vient de terminer les nouvelles mesures de topographie
de la Petite grotte, et nous disposons maintenant d'un plan général
avec la superposition des 2 cavités.
Nous avons ainsi la confirmation que les failles terminales des deux grottes
ont la même orientation, mais avec un décalage latéral d'environ
cinq mètres. Est-ce les 1 à 2% de marge d'erreur normale de nos
topographies prouvant que c'est la même faille, ou alors ce sont deux
failles parallèles bien distinctes ? Dans tous les cas, nous savons aujourd'hui
ce que nous soupçonnions avec le test à l'encens, à savoir
que la faille des Lausannois et bel et bien le point le plus avant des 2 grottes.
Mais est-ce bien utile au stade où en sont les choses ?...
En sachant pertinemment que nous ne trouverons jamais les 20 personnes pour
venir déplacer des tonnes de cailloux sur 40 mètres de distance,
cette nouvelle information ne fait qu'enflammer la blessure
Alors
que faire ?...
Cette question, je l'ai retournée dans tous les sens pendant fichtrement
longtemps, sans jamais trouver une solution convenable. Avec le temps, les choses
se sont quelque peu tassées et mes intérêts se sont tournés
vers d'autres projets.
Samedi
22 mars 2003
Dans une semaine, cela fera exactement 2 ans que nous avons
déserté le chantier des Fées. Avec Claudal, nous n'avons
jamais vraiment réussi à digérer notre abandon. Quand
quelque chose tient fortement à cur, il est difficile d'y renoncer,
a fortiori quand c'est la seconde fois coup sur coup (cf. Introduction). Dans
le premier cas nous n'avions pas vraiment le choix étant donné
que c'était pour des raisons de sécurité. Aux Fées,
c'est simplement par de manque de main d'uvre.
Par conséquent, nous avons pris une grande décision, la seule
qui soit vraiment réalisable afin de permettre à une petite
équipe de continuer la désobstruction : nous allons entreprendre
de gros travaux d'aménagement afin d'agrandir les lieux pour permettre
de poser des rails et des tyroliennes, servants au transport des seaux sur
une distance de 40 mètres. Les gravats seront ainsi déposés
dans les grandes salles, où nous avons toute la place à disposition
pour des dizaines d'années de désobstruction
Au
club de Lausanne, notre décision est accueillie avec scepticisme. Certains
n'ont d'ailleurs jamais cru à nos travaux et sourient déjà
à la pensée de nous voir continuer à perdre notre temps
dans un lieu si connu et fréquenté tel que la Grande grotte
aux Fées, parcourue par des hordes de visiteurs du dimanche. Pour nous,
ce manque d'intérêt n'est pas autrement pathétique puisque
dès le début des travaux nous avons été habitué
à travailler en nombre restreint.
En
ce samedi à la veille du printemps, c'est donc à deux que nous
nous retrouvons nos chères "Fées", que nous avions
délaissées pendant si longtemps...
Comme nous allons agrandir tous les passages jusqu'au puits terminal, nous
décidons de commencer les travaux à partir des salles, le nouveau
lieu d'exutoire officiel pour les gravats. Ainsi, cela nous permet de poser
les rails et tyroliennes et d'utiliser immédiatement ces moyens de
transport, à mesure que l'on va avancer vers le fond.
Actuellement, nous sommes dans le passage à Grand-Père, où
nous avons prévu de poser le premier rail. Nous sommes donc occupés
à creuser le sol afin de gagner de la hauteur, mais également
pour qu'il soit régulier sur une longueur d'environ six mètres.
A l'origine, ce passage n'était franchissable qu'en rampant, cela nécessite
aujourd'hui une hauteur suffisante pour y faire passer un chariot avec un
seau rempli de pierres. En creusant, de gros blocs apparaissent, nous obligeant
à devoir sortir le matériel de minage.
En fin de journée, le passage à Grand-Père est prêt
à accueillir le rail. Le problème
c'est que nous n'en
avons pas ! Et c'est de même pour les chariots !... J'ai pris contact
récemment avec nos amis valaisans, et ils sont en train de chercher
dans les anciennes mines désaffectées de leur région.
Samedi
19 avril 2003
Les Valaisans ont trouvé une mine où il reste quelques bouts de
rails ainsi qu'un vieux chariot. Nous sommes allés voir sur place, et
là, nous déchantons immédiatement. Le chariot en question
est une sorte de wagonnet de près d'un mètre de hauteur, et qui
plus est, doit peser au moins une tonne ! C'est bien dommage, car il est en
parfait état et possède un dispositif ingénieux permettant
de vider sa charge en basculant latéralement. Ce n'est pas un outil envisageable
de par son gabarit, car il ne passerait pas sur la totalité de notre
chantier. Par ailleurs, il faudrait des moyens considérables pour l'amener
sur place.
Pour les rails, en regardant de plus près ceux que nous avons sous les
yeux, nous constatons qu'il s'agit de simples barres de fer avec un profil en
T. Des traverses, soudées tous les mètres permettent de conserver
l'écartement. Tout ceci est d'autant plus génial que c'est tout
simple à fabriquer. Ceux que nous avons là sont en très
mauvais état, mais ce n'est pas grave, nos amis connaissent une ancienne
carrière avec un bâtiment sur le point d'être démoli,
où l'on trouvera facilement ce genre d'articles. Pour arranger le tout,
ils connaissent aussi un petit atelier de serrurerie où nous avons la
possibilité de débiter et souder nos éléments. Quelques
heures plus tard, l'affaire était classée ! Nous disposions de
2 rails avec un écartement de 30 centimètres, pour un parcours
total de douze mètres. Il ne restait plus qu'à fabriquer les 2
chariots, un pour chaque longueur. Mais pour cela, les Valaisans nous avaient
déjà amplement aidés, nous décidions avec Claudal
de les fabriquer nous-mêmes.
Aujourd'hui, en ce week-end Pascal, nous nous retrouvons à cinq dont
2 Valaisans. Nous mettons en place le premier rail dans le passage à
Grand-Père. Les traverses sont recouvertes de graviers dont le tassement
permet de caler l'ensemble. Le chantier prend des allures quelque peu professionnelles
et nous sommes assez fiers du résultat.
L'amont du rail correspond à une petite chambre où l'on est à
nouveau debout, mais deux mètres plus loin il faut poursuivre en rampant.
Nous sommes maintenant occupés à creuser le sol afin de gagner
suffisamment de hauteur pour le second rail et son chariot. Rapidement, il faut
sortir le matériel de minage, de grandes lames de rocher nous empêchent
de poursuivre. Pour l'évacuation des cailloux, c'est dommage de ne pas
pouvoir disposer d'un chariot, qui nous aurait été bien utile
sur le rail déjà en place ; il y a une dizaine de mètres
à parcourir avec les seaux, et vu l'exiguïté et le manque
d'effectif, les conditions de travail sont relativement
pénibles.
Samedi
3 mai 2003
Avec Claudal, nous étions occupés depuis quelques
soirs dans la fabrication des 2 chariots. Pour les roues, il fallait quelque
chose qui glisse bien, donc inévitablement monté sur roulement
à billes. N'étant pas équipés pour tourner certaines
pièces, nous avons demandé à Dominique, un ami Valaisans
travaillant dans la mécanique de précision.
A la livraison, quelle ne fut pas notre surprise de constater que non seulement
il avait créé les pièces qu'on lui avait demandées,
mais également tout ce qui va avec, soit 2 chariots complets prêts
à être utilisés ! Ils étaient d'ailleurs tellement
clinquants que l'on aurait pu les exposer dans une vitrine !
Cependant, on se retrouvait avec 4 chariots, dont 2 n'avaient toujours pas de
roues... Le modèle "professionnel" était composé
d'un plateau en tôle striée, monté sur un châssis
aluminium équipé de roulettes.
Pour le modèle "bricoleur", nous avions conçu un châssis
métallique surmonté d'une armature empêchant le seau de
se déplacer, donc de se renverser. Deux chariots nous suffisaient amplement,
c'est pourquoi notre choix fut intermédiaire, à savoir que nous
allons utiliser un des chariots valaisans tel quel, alors que le second sera
équipé de notre dispositif anti-renversement. Nous étions
maintenant fin prêts pour continuer les aménagements, et surtout
impatients, tels de grands enfants, de tester nos nouveaux jouets
Aujourd'hui, 4 Lausannois et 3 Valaisans ont répondu à l'appel.
Nous sommes occupés à l'emplacement du second rail afin de poursuivre
l'abaissement du sol pour le passage du chariot. La roche en place complique
énormément les choses et nous oblige à miner à maintes
reprises.
Hélas, cette activité nous fait perdre un temps considérable,
ce qui est regrettable aujourd'hui puisque nous disposons d'une bonne main d'uvre.
Sur le premier rail il y a de l'ambiance, et chacun veut tester le chariot flambant
neuf. Il faut reconnaître que c'est une totale réussite, d'autant
qu'une fois les seaux en place le chariot descend tout seul pour franchir le
passage à Grand-Père. D'ailleurs, ce fameux grand-père
serait bien surpris aujourd'hui et ne reconnaîtrait plus son passage !
Il faut savoir qu'à l'origine, il n'était praticable qu'en rampant...
En fin de journée, le terrain est parfaitement nivelé et peut
accueillir le second rail. Il nécessitera encore quelques améliorations
afin de stabiliser le tout, mais ce sera pour la prochaine fois. Nous testons
également le second chariot, et comme pour le premier, il nous donne
entière satisfaction.
Vendredi
16 mai 2003
Pour la suite des aménagements, nous devons agrandir
le petit méandre conduisant au ressaut de deux mètres. Dans ce
passage étroit et irrégulier, nous avons prévu d'y placer
un gros câble sur lequel nos seaux coulisseront sur des poulies.
Lors des dernières séances, nous nous sommes rendu compte que
nous perdons pas mal de temps avec le minage, alors que les autres doivent attendre
sur nous. Avec Claudal, c'est donc en soirée que nous nous retrouvons
afin de préparer le terrain pour le lendemain. J'ai envoyé des
messages à une dizaine de personnes, et nous attendons des participants
pour l'évacuation des déblais.
Dans le méandre, nous travaillons à l'aide de micros charges,
qui sont amplement suffisantes pour enlever les quelques dizaines de centimètres
de roche entravant le passage des seaux.
En fin de soirée, après plusieurs tirs, nous avons assez de quoi
nous occuper pour le lendemain.
Samedi
17 mai 2003
Avec Claudal, nous sommes au rendez-vous depuis une demi-heure.
Visiblement, il n'y a personne d'autre !
Depuis quelques années, avec l'essor du réseau Internet et notamment
son système de messagerie, nous avons pour habitude d'informer les gens
par courriel, à propos des dates retenues pour nos travaux aux Fées.
C'est extrêmement pratique, cela touche instantanément toutes les
personnes concernées, et prend moins de temps qu'avec le téléphone.
En revanche, jusqu'au dernier moment nous ne savons pas quelles sont les personnes
qui viendront ; la plupart se décident à la dernière minute
ou alors ne prennent même pas la peine de répondre... Aujourd'hui,
il faudra donc nous contenter de nous-mêmes !
La journée est exténuante, et malgré les chariots il faut
constamment se déplacer avec les charges. Nous avions prévu en
fin de journée de mettre en place le premier câble, il nous faut
vite oublier ; l'aménagement du méandre est encore loin d'être
terminé. Avant de partir, nous effectuons encore un gros tir avec de
multiples charges séparées, en espérant qu'il y aura suffisamment
de participants pour la prochaine fois
Samedi
14 juin 2003
Une fois de plus, et malgré de nombreux contacts, nous nous retrouvons
en effectif réduit. Outre les 2 habitués, il n'y a que Jacques
pour nous aider.
Il faut reconnaître que ces travaux d'aménagement ne sont guère
motivants, et de surcroît en sachant qu'il faudra encore de nombreuses
sorties avant de pouvoir poursuivre réellement la désobstruction
au terminus de la faille des Lausannois. Donc avec Claudal, nous comprenons
que les gens ont mieux à faire...
Cependant, c'est peu motivant pour nous, car nous savons qu'une journée
épuisante nous attend, où il faudra évacuer à nous
trois plusieurs centaines de kilos de rochers.
En fin de journée, l'aménagement du petit méandre est enfin
terminé. Son profil est maintenant rectiligne et peut accueillir un câble
d'une longueur d'environ huit mètres. Après avoir posé
des amarrages de chaque côté, nous mettons en place le filin d'acier.
La prochaine fois, à l'aide d'un "Tandem", un outil conçu
pour le transport de charges lourdes, nous pourrons profiter de cette tyrolienne
pour déplacer les récipients.
Nous quittons les lieux sans regret, avec le dos quelque peu... en compote !
Samedi
1er novembre 2003
La belle saison nous ayant occupé vers d'autres travaux
spéléologiques plus agréables, les mauvais jours du milieu
de l'automne nous incitent à retrouver nos "Fées". Ces
derniers mois, nous avons passablement parlé de nos activités
en dehors du club, dans le but de recruter des gens.
Hélas, il semblerait que cela n'a pas porté ses fruits, aujourd'hui
nous ne sommes que trois, à savoir les mêmes que la dernière
fois !
Toutefois, nos batteries ont eu quelques mois pour se recharger, c'est donc
avec un meilleur moral que nous reprenons les activités. Le matériel
en place n'a pas trop souffert, malgré les dizaines de curieux qui ont
dû venir en ce lieu, attirés par les rails.
Les aménagements reprennent. Dans la salle qui précède
le Passage à Grand-Père, nous mettons en place un gros câble
d'acier. D'une longueur de 15m, celui-ci va nous permettre de déplacer
nos seaux avec un minimum d'efforts, pour les décharger à l'endroit
désiré. Ce câble devant supporter le poids de 2 seaux pleins,
nous plaçons deux gros amarrages de chaque côté.
Ensuite, nous sommes occupés à l'aide des habituelles micros charges,
dans l'agrandissement du ressaut de deux mètres. Pour l'évacuation
des cailloux, le manque d'effectif nous handicape une fois de plus. Il faut
s'imaginer la scène : une personne est occupée à remplir
les seaux, tandis que les 2 autres effectuent les navettes entre la première
tyrolienne, les 2 rails et l'exutoire où nous déposons nos déblais.
Au milieu de l'après-midi, nous faisons le point sur
la situation. Malgré les travaux de la journée, nous nous rendons
compte que le ressaut va nous handicaper sérieusement. Le passage n'est
pas vraiment vertical, ce qui veut dire que même si nous installons une
poulie, les seaux vont frotter contre la paroi, ce qui risque de renverser le
contenu. De plus, ce passage va nécessiter 2 personnes dans les manoeuvres
; la première au bas du ressaut pour installer le seau sur la corde,
la seconde au sommet pour le récupérer.
Après quelques palabres, Jacques trouve une solution pour le moins radicale...
Etant donné que ce ressaut nous embarrasse, pourquoi ne pas faire tomber
la voûte afin supprimer l'obstacle puisque derrière la faille reprend
de la hauteur ? Cette option permettrait également de supprimer le poste
au bas du ressaut. Ainsi, un câble relierait directement le haut du ressaut
avec le terminus de la faille.
Après quelques réflexions sur la faisabilité du projet,
nous nous rendons compte que c'est tout à fait réalisable hormis
le fait que cela va générer une montagne de roche à déplacer.
En définitive, nous n'en sommes plus à quelques tonnes près...
c'est pourquoi l'idée est acceptée.
Pour l'heure, Jacques nous quitte. Avec Claudal nous décidons de commencer
le percement de la voûte afin d'effectuer un tir avant de quitter les
lieux. Nous forons plusieurs trous d'un mètre de profondeur, ce qui prendra
passablement de temps.
Au final, cette journée fut très laborieuse. Mais au vu des gravats
générés par notre dernier tir, il semblerait que c'est
l'enfer qui nous attend !... Il faut vraiment que nous soyons plus nombreux.
Samedi
15 novembre 2003
Malgré des messages envoyés à une douzaine
de personnes, nous ne sommes que trois au rendez-vous. Cela commence vraiment
à devenir déprimant. Les Valaisans ont déserté le
chantier depuis plusieurs mois, et au vu de la faible participation au cours
des 4 dernières sorties, il semblerait bien que les autres aient également
perdu le goût !... Si cela continue dans ces conditions, nous allons devoir
stopper les travaux par manque d'effectif. Ce serait vraiment terrible après
toute l'énergie que nous avons déjà investie.
En plus, et pour la première fois depuis le début des travaux,
Claudal n'est pas présent. C'est d'ailleurs assez bizarre de ne pas le
voir en ces lieux, car en tant que protagonistes nous avons presque l'impression
que nous faisons partie du décor
Toutefois, il y a 2 nouveaux, à savoir Bernard et Franklin, les frères
"battants" du spéléo club de Cheseaux (SCC). Cela fait
plaisir de voir de nouvelles têtes, mais c'est surtout réconfortant
de disposer d'un peu de sang neuf pour peut-être reprendre le flambeau
que certains ont délaissé. Je suis malgré tout sceptique
en connaissant le travail qui nous attend ; je ne peux donc espérer qu'ils
ne seront pas dégoûtés trop rapidement !
Le dernier tir fut exceptionnel de par son efficacité. Inévitablement,
ce n'est plus quelques centaines de kilos qu'il faudra évacuer, mais
des tonnes !
Malgré tout, c'est avec une énergie débordante que les
seaux sont remplis et déplacés sans relâche. En fin de journée,
le passage est bien dégrossi. Le ressaut n'existe plus, mais il y a encore
bien à faire avant de poser le futur câble. Nous en avons suffisamment
fait pour aujourd'hui, et de toute façon le goût n'y est plus.
Il faut savoir qu'en ce moment, ce n'est pas un euphémisme de dire que
chacun en a "plein le dos" ! Cela dit, je suis très content,
nos 2 frangins se disent très emballés par cette désobstruction
; j'attends seulement de voir si c'est fondé ou s'ils m'ont dit cela
pour me faire plaisir
Vendredi
21 novembre 2003
En soirée, c'est en catastrophe que je rejoins les Fées
; il faut absolument que je prépare le terrain pour le lendemain.
En effet, le matin je n'avais encore aucune inscription, mais quelques personnes
se sont néanmoins manifestées au cours de la journée. Je
reconnais que j'ai employé les gros moyens puisque j'ai annoncé
cette sortie à près de 20 personnes ; donc, il serait dommage
de ne pas profiter de cette "manne" inespérée.
L'aménagement de l'ancien ressaut de 2 mètres n'étant pas
terminé, je suis occupé à percer de nombreux trous pour
une mise à feu simultanée. L'explosion sera assez conséquente
mais parfaitement maîtrisée. Concernant les gaz, ils ne devront
pas poser trop de problèmes pour le lendemain, à cette saison
le courant d'air se dirige vers l'intérieur de la montagne.
Samedi
22 novembre 2003
Pour ma part la nuit fut relativement courte
En ces temps difficiles, cela fait bien plaisir de retrouver autant de monde,
soit 5 participants. Claudal est absent pour la troisième fois, ce qui
m'inquiète. Heureusement qu'il y a 2 membres du club de Lausanne et 2
de Cheseaux.
Le tir du soir précédent fut excellent. Par ailleurs, l'appareil
digital qui mesure la présence de gaz ne détecte absolument rien.
Les conditions sont donc réunies pour un travail de qualité.
En fin de journée, notre mission est accomplie ; tous les déblais
du dernier tir sont évacués.
Samedi
29 novembre 2003
Pour nous changer les idées, avec Claudal nous avons prévu de
descendre au fond du gouffre de Longirod (Vaud / Suisse). Sur place, les premières
neiges nous empêchent d'accéder à la cavité, ce
qui nous amène à revoir le programme de la journée. Nous
nous rabattons alors sur les "Fées", puisqu'elles nous accueillent
à bras ouverts par n'importe quelles conditions météo.
Cette journée marque également le retour "au bercail"
de Claudal, après 3 séances d'abstinence...
Nous commençons l'aménagement de la dernière ligne droite
à savoir : la faille des Lausannois. En effet, lors des désobstructions
en 2000 et 2001, nos minages successifs nous laissaient juste de la place
pour s'y déplacer à "l'Egyptienne", c'est-à-dire
le corps placé perpendiculairement à l'axe de progression. Un
câble étant prévu sur toute la longueur de la faille,
la largeur n'est pas suffisante pour le passage des seaux au niveau du filin.
En conséquence, les techniques de micro charges reprennent du service.
L'effectif étant réduit
les éboulis occasionnés
par les tirs sont laissés tels quels au fond de la faille.
Samedi
13 décembre 2003
Nouvelle journée entre 4 yeux, évidemment les 2 obstinés
!...
Nous posons un câble provisoire sur toute la longueur de la faille, afin
de permettre d'évacuer les gravats lorsque nous serons plus nombreux.
Nous continuons nos travaux de minage au sommet du puits qui termine la faille
des Lausannois. Il est prévu d'y installer un système de poulies
pour hisser les seaux. Dans ce but, nous ressortons nos grands forets afin que
le tir génère un espace suffisant. Nous avons également
apporté de nombreuses planches épaisses afin de boucher l'orifice
du puits. En effet, l'explosion sera conséquente et ce serait dommage
que tous les cailloux finissent au fond ; espérons seulement que nos
planches résisteront sous le poids.
La mise à feu synchronisée de toutes nos charges met un terme
à cette journée.
Dans un autre contexte, de mauvaises rumeurs circulent depuis quelque temps
au sujet de nos activités aux Fées, à propos de travaux
soi-disant surdimensionnés. C'est d'autant plus désagréable
que certains de ces bruits émanent directement du sein de notre équipe
de désobstruction. Une petite mise au point s'imposait afin de clarifier
la situation, qui pouvait se résumer de la manière suivante :
Il n'est pas utile de préciser que depuis quelques mois, les galeries
au fond de la Grande grotte aux Fées prennent des allures d'autoroutes.
D'ici peu, nous serons prêts à poursuivre les désobstructions
dans la faille des Lausannois et évacuer les cailloux sur une distance
de près de 40 mètres.
Pour beaucoup d'entre nous cette désob est une quête, celle de
découvrir un jour l'accès à un réseau dont nous
sommes persuadés de l'existence et de l'ampleur qu'il prendra.
Cela dit, nous savons tous que ce rêve a un prix : celui d'agrandir certains
passages de la grotte afin de pouvoir poursuivre les travaux avec un effectif
restreint étant donné que la main d'oeuvre se fait rare. C'est
donc le lourd tribut à payer envers la nature pour pouvoir continuer
les travaux et avoir ainsi la possibilité de franchir ce verrou rocheux.
Au cours de cette année, la participation moyenne sur 12 sorties était
de... 3 personnes ! Ce manque d'enthousiasme ne fait que confirmer qu'il n'est
pas possible de continuer sans avoir recours à de gros moyens tels que
le minage, la pose de rails, câbles, etc.
Dans cette optique, il est important que les gens qui participent soient pleinement
conscients des enjeux et assument totalement leur part de responsabilité
dans l'aménagement de ce chantier.
Samedi
20 décembre 2003
Lors des 2 dernières séances, nous avons préféré
consacrer notre temps au minage, principalement à cause du manque d'effectif.
En conséquence, il en résulte aujourd'hui une belle quantité
d'éboulis qui encombre la faille sur toute sa longueur.
Par chance aujourd'hui, 7 valeureux chevaliers de la désob sont présents,
donc la force est avec nous !... Il faut d'ailleurs remonter d'une dizaine de
sorties pour retrouver une telle affluence. Cette fois, outre les 2 abonnés,
nous pouvons compter sur deux Lausannois et trois de Cheseaux. Pour ces derniers,
il semblerait bien que tout comme nous, ils sont maintenant épris des
"Fées"
cet amour si particulier et inhabituel qui procure
la volonté de revenir.
Au puits terminal, le dernier tir a comblé la faille jusqu'au plafond.
Les planches que nous avons disposées ont l'air d'avoir rempli leur mission
: empêcher que les blocs rebouchent le puits. Le câble que nous
avions placé au plafond puis déposé avant le tir se trouve
maintenant au niveau du sol, il y a donc de quoi s'occuper !
Ainsi, le travail de titan peut maintenant commencer, avec ses habituels déplacements
de seaux.
Le principe des rails et tyroliennes fonctionne à merveille. Les postes
de chacun sont répartis sur la longueur du chantier afin de permettre
aux seaux de passer d'une installation à l'autre.
Cette journée sera placée sous le signe de la bonne humeur, chacun
sait que les aménagements arrivent bientôt à leur achèvement.
Epilogue
2003
Pour nous deux, c'est enfin l'accomplissement d'un but que nous nous sommes
fixé 9 mois auparavant, celui d'aménager les lieux afin de poser
des rails et des tyroliennes pour transporter des seaux sur une distance de
40 mètres. Cette préparation ne s'est pas déroulée
sans efforts puisqu'elle aura demandé 15 séances laborieuses,
soit bien plus que ce que nous avions imaginé. Par ailleurs, la moyenne
de participation s'élevant à 3 personnes, il ne s'en est fallut
de très peu pour que le chantier soit définitivement abandonné.
Le salut n'a tenu qu'au renfort des spéléos valaisans (GSR)
en début de saison, et ceux de Cheseaux (SCC) en fin d'année.
Qu'ils en soient infiniment remerciés.
L'année
prochaine, en 2004, c'est enfin reparti pour la suite de la désobstruction
au terminus de la faille des Lausannois. Nous ne pouvons qu'espérer
que les fées ne tarderont pas trop longtemps à livrer leurs
secrets
Les
principaux artisans désobeurs