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Faire le bon choix !
Au printemps 1998, notre moral est bas. Avec Claude-Alain Diserens dit Claudal, nous avons pris la décision d'abandonner la désobstruction d'un gouffre qui pourtant s'avérait prometteur. Après une quinzaine de journées acharnées, notre choix est d'autant plus difficile que ce n'est pas par manque de motivation que nous renonçons, mais pour des raisons de sécurité. En effet, nous sommes à cinquante mètres de profondeur dans un gouffre du Jura vaudois, à la base d'un puits de 9 mètres. A cet endroit, un méandre étroit s'en échappe, mais devient rapidement impénétrable à l'homme. Les chances de découvrir une suite sont bonnes puisque plusieurs indices sont de notre côté. D'abord la géologie, nous sommes dans les calcaires du Portlandien, très proche de la limite du Kimméridgien, un calcaire plus tendre où l'eau creuse généralement des volumes plus conséquents. Ensuite, un léger courant d'air nous accompagne dans notre boyau, ce qui, à la manière d'un courant qui se crée dans une maison en laissant 2 fenêtres ouvertes, nous laisse présager un prolongement intéressant puisque l'air circule avec d'autres lieux. Pour terminer, nous sommes en présence d'un petit ruisseau, ce qui veut dire que l'eau s'est frayé un chemin tel un affluent qui va rejoindre un cours principal où sont collectées toutes les eaux de la région.

Depuis le début de nos travaux, nous avons progressé de 18 mètres. A chaque minage, nous devons évacuer quelques centaines de kilos de rocher jusqu'à la base du puits, le seul endroit possible pour stocker les cailloux. A force d'entasser les rochers, nous avons dû monter un mur protégeant l'accès au méandre, et aujourd'hui cet édifice somme toute instable menace inévitablement de s'effondrer. Dans le meilleur des cas, nous ne serons pas présents dans le gouffre, mais dans le pire il peut aussi s'affaisser sur nous. Alors dans le doute, et avec une profonde amertume, nous avons décidé de renoncer. Quand on a passé des centaines d'heures à la tâche et qu'il faut renoncer de la sorte, c'est toujours difficile à encaisser.

En octobre de cette même année, nous effectuons en soirée une reconnaissance dans les deux grottes aux Fées de Vallorbe, à la recherche d'une nouvelle désobstruction. Dans la Petite grotte, la continuation des travaux dans la faille des Genevois fut rapidement écartée, car comme pour notre précédente désobstruction, il n'y a que très peu de place pour entreposer les déblais de roche ; ce qui impliquera de devoir rapidement renoncer aux travaux.
Dans la Grande grotte, notre intérêt se porte sur la faille des Lausannois. Cet endroit a déjà vu passer bon nombre de spéléologues en quête de désobstruction, mais la configuration et l'étroitesse des lieux ont rapidement découragé les plus téméraires. Il faut dire que la fissure ne fait que dix centimètres de large pour environ deux mètres de haut, et l'on distingue qu'elle se prolonge semblablement sur plusieurs mètres. Pour compliquer les choses, l'accès est étroit et nécessite de nombreux aménagements.

Au mois de juin 2000, les frères Demierre (GSL) découvrent quelques mètres de prolongements dans la grotte du Gaucher, une petite cavité s'ouvrant à quelques dizaines de mètres en contrebas des grottes aux Fées. Ils n'auront guère plus de chances que nous, car ils doivent rapidement stopper l'exploration dans une zone étroite et dangereuse, avec des blocs instables coincés au-dessus d'eux. Mais le plus intéressant est, qu'ils remarqueront que les 3 cavités exhalent simultanément un courant d'air sortant. Cette information sera déterminante, car elle ne fait que confirmer la présence d'un réseau caché, et non pas une circulation interne entre les 3 grottes.

Avec Claudal, nous décidons de revoir la fissure de la Grande grotte, le seul endroit envisageable pour tenter une désobstruction. Nous voulons inspecter les lieux plus en détail au cas où un indice nous aurait échappé. Nous sommes sur place le 1er juillet, et cette fois un événement de taille va nous ébranler... Accroupis devant la faille, un courant d'air extrêmement puissant nous gifle de plein fouet. La surprise est totale, car au même endroit deux ans plus tôt, ce même courant était à peine perceptible. Cette manifestation n'est guère étrangère et s'apparente aux effets de la climatologie (ensemble de phénomènes liés à la météorologie). Les principes sont assez complexes, mais pour simplifier, disons qu'un courant d'air va se créer entre 2 ouvertures lorsqu'il y a différence de température entre l'air extérieur et l'air de la grotte, et que celui-ci va se diriger dans un sens ou dans l'autre si la température extérieure est au-dessus ou au-dessous de celle du milieu souterrain. Donc en été, une entrée supérieure va aspirer et en hiver cette même entrée va souffler. On dénote aussi que plus les distances et les écarts de température seront grands et plus le courant d'air sera puissant.
Puisque actuellement il fait grand beau et que nous sommes en plein mois de juillet, ceci explique cela. Mais pour nous le message est maintenant clair : nous sommes en présence d'un réseau de galeries cachées, et la fissure devant nous est le chemin le plus court pour y accéder. Mais combien de mètres de roche faudra-t-il enlever ? Visiblement quelques mètres, mais c'est peut-être vingt voire cinquante mètres ! Malgré cela nous sommes très optimistes, en conséquence la décision est prise d'entreprendre les travaux.

 

 

Jeudi 7 septembre 2000
Avant de commencer la désobstruction de la faille proprement dite, il est indispensable d'agrandir l'accès de cette dernière. Avec l'expérience, nous nous sommes rendus compte qu'il vaut mieux perdre quelques journées afin de créer un passage confortable pour les déplacements avec seaux remplis de cailloux, plutôt que de conserver les dimensions restreintes d'origine. Le portage des charges est déjà pénible en soi, si en plus du poids il faut se contorsionner dans de mauvaises positions pour les déplacer, c'est donc forcément au dépend de l'efficacité ; le but est quand même de déplacer un maximum de roche avec un minimum d'effort.
Actuellement, le départ de la faille est surplombé d'un ressaut vertical de deux mètres dont le franchissement est malaisé. La journée sera occupée à miner le passage, afin qu'un seau puisse au moins y passer sans en renverser le contenu.

 

Samedi 16 septembre 2000
Les travaux reprennent au niveau du ressaut, ainsi que le petit méandre y conduisant. Pour le minage, nous utilisons la technique dite "des micros charges". En forant des petits trous de huit millimètres de diamètre, une petite charge explosive peut ainsi être introduite au cœur du rocher. Chaque orifice est ensuite relié par des détonateurs électriques, qui seront déclenchés simultanément. Cette technique est la même que celle employée lors des secours souterrains, car elle permet, outre une mise en place très rapide, de provoquer un faible dégagement de gaz. En effet, une explosion génère obligatoirement des gaz toxiques qui peuvent s'avérer mortels à haute dose. C'est pourquoi nous travaillons avec des quantités très minimes de l'ordre de 2-3 grammes par trou, afin de limiter au maximum la teneur des gaz. Pour pouvoir acheter et disposer d'explosif, il faut être en possession d'un permis de minage, qui s'obtient après avoir suivi une formation et un examen. Nous sommes tous deux en possession de ce permis, ce qui facilite grandement nos opérations.

 

Samedi 30 septembre 2000
Etant seul pour cette sortie, je teste différents accessoires afin d'améliorer constamment notre technique. Il faut savoir que le minage souterrain est une pratique établie au niveau des règles de sécurité en vigueur, mais pour ce qui est du choix des explosifs et des méthodes de mise en place, chaque mineur va développer sa propre "alchimie" en fonction de la pratique et des résultats.

 

Samedi 14 octobre 2000
Le minage nécessite de percer de nombreux trous. Les perceuses à accumulateur permettent d'en faire une bonne série, mais sur une journée entière rien ne vaut le confort d'une perceuse électrique, avec des performances généralement accrues. Nonobstant, ce choix implique de disposer d'un groupe électrogène à l'extérieur de la cavité. Heureusement pour nous, l'entrée est située à quelques minutes de la route cantonale, et il nous suffit de laisser la génératrice en bordure de la chaussée, à l'abri des regards indiscrets. Pour éviter de tirer la ligne à chaque sortie jusqu'à la grotte, nous sommes occupés aujourd'hui avec l'aide d'une grande échelle, à placer un câble électrique le plus haut possible afin qu'il se dissimule dans les arbres. Ainsi, au début de chaque journée, il nous suffit de dérouler depuis l'entrée une grosse bobine électrique de 120 mètres jusqu'au chantier, où un nouveau câblage en place prend le relais.
Dans la grotte, nous fixons également une guirlande lumineuse dans la zone de désobstruction, étant donné que nous disposons de courant en permanence. Cela crée une ambiance sympathique et apporte un certain confort de travail, et cela permet également de libérer les participants dotés d'un réservoir acétylène, relativement encombrant en milieu confiné.

 

Samedi 21 octobre 2000
C'est à nouveau seul que je me retrouve aux Fées, afin d'effectuer les derniers aménagements avant le début de la désobstruction. A ce propos, on entend souvent dire qu'il ne faut jamais s'aventurer seul sous terre. Ce n'est effectivement pas conseillé pour les novices, mais après de nombreuses années de pratique et quelques sorties en solitaire à plus de 500 mètres de profondeur, je peux affirmer que lorsque l'on est seul, on est jamais aussi prudent dans les manœuvres et déplacements que lorsque l'on est en groupe. Cela provient simplement du fait que notre attention est pleinement concentrée sur ce que l'on fait. A partir de là, il est clair que la fatalité peut rentrer en ligne de compte, mais avec un bon état d'esprit ce genre d'hypothèse ne vient pas perturber la pensée. De plus, ceux qui ont tenté l'expérience peuvent en témoigner : le milieu souterrain apporte un bien-être régénérateur dont la solitude permet d'en extirper toute la force.

 

Jeudi 23 novembre 2000
Malgré que nous soyons en semaine, nous avons décidé de prendre congé pour ce grand jour. Cela fait 5 séances que nous préparons le terrain et aujourd'hui c'est le début officiel des désobstructions au départ de la faille des Lausannois.
Le travail de la journée est simple : nous perçons, chargeons les trous et effectuons la mise à feu. Puisque l'endroit est bien ventilé, nous attendons quelques minutes que les gaz se dissipent et nous pouvons ensuite commencer l'évacuation des gravats provoqués par l'explosion. Pour le transport des cailloux, nous utilisons des seaux de maçon, d'une robustesse à toute épreuve ; il faut d'ailleurs s'imaginer que quand cela bloque, ce n'est généralement pas dans la douceur que la situation se débloque…
Tout ce processus prend passablement de temps et ne pourra être répété que deux ou trois fois dans la journée. Au final, si tout se passe bien, nous arrivons à progresser d'environ un mètre par jour.

 

Samedi 9 décembre 2000
Cette fois, nous avons un peu de renfort en la personne de Jacques. Dans le club, c'est le spécialiste en topographie et dessin informatique. Ses compétences techniques ne seront d'aucune utilité aujourd'hui, mais sa présence est surtout bienvenue pour le transport des cailloux !
En effet, la phase la plus pénible arrive au moment où il faut déplacer les rochers occasionnés par le minage. Sur le front, une première personne accroupie s'occupe de remplir les seaux, tandis que les autres prennent le relais pour l'acheminement vers un lieu de décharge. C'est un travail épuisant, car un seau chargé atteint facilement les dix kilos, et puisque nous sommes peu nombreux nous n'avons pas d'autres alternatives que de se déplacer avec le récipient. A l'avenir, nous allons donc devoir recruter quelques volontaires pour nous aider.

 

Mardi 12 décembre 2000
Avec Claudal nous sommes bien motivés puisque c'est à nouveau en semaine nous nous retrouvons. Le travail est plus pénible à deux, mais il avance malgré tout. Nous avons acheté une série de seaux supplémentaires, car nous nous sommes rendu compte que plutôt que de les déplacer à mesure qu'ils sont remplis, il est plus facile en étant peu nombreux, de les entasser puis de se les passer en faisant une sorte de chaîne ; même qu'aujourd'hui elle n'a que deux maillons ! L'opération se répète ainsi tous les deux mètres jusqu'au lieu de décharge. Cet endroit où l'on dépose nos cailloux, est en fait un élargissement formant un petit carrefour à quelques mètres du ressaut de 2 mètres. Pour ce dernier, nous avons installé une corde qui passe dans une poulie au plafond, permettant ainsi d'alléger le poids de la charge (principe de la démultiplication). C'est vraiment soulageant, car auparavant il fallait se passer les seaux tendus à bout de bras.

 

 

Samedi 3 février 2001
En cette nouvelle année, les activités reprennent dans notre chère faille des Lausannois. Depuis le début des hostilités, nous avons avancé d'environ quatre mètres, et la fissure se prolonge toujours dans les mêmes conditions. Nous savons que nous avons entamé un travail de longue haleine et notre motivation est toujours excellente.
Aujourd'hui, nous avons réussi à recruter un homme de plus en la personne de Jean-Daniel, un ancien du club.
Pour la suite des travaux, nous avons décidé de changer quelque peu notre technique de minage. Jusqu'ici, nous avons utilisé des micros charges de 2-3 grammes conditionnées pour des trous de huit millimètres de diamètre. La profondeur variable de trente à quarante centimètres par trou, correspond en général à la quantité de roche que l'on peut enlever. Ce procédé est efficace dans la mesure où il permet de déterminer avec précision le volume à soustraire, tout en dégageant une quantité minime de gaz (CO). Toutefois, cette méthode atteint rapidement ses limites à partir du moment où l'on veut enlever un plus grand volume. C'est pourquoi nous perçons aujourd'hui des trous de douze millimètres de diamètre pour une longueur d'environ un mètre.
Dans chaque trou, nous introduisons du cordeau détonnant, faisant office d'explosif. Avec une moyenne de 4 trous répartis sur la hauteur de la faille, nous arrivons à un total de presque 200 grammes de Penthrite. C'est certes conséquent, mais cela va nous permettre de dégager plus d'un mètre cube de rocher en un seul tir. En revanche, ce procédé génère beaucoup de gaz nocifs, notamment du CO et des gaz nitreux. Cela implique de devoir quitter les lieux rapidement après le tir et d'attendre quelques jours que les gaz se dissipent entièrement. En effet, il faut savoir que les gaz mélangés aux cailloux pulvérisés par l'explosion vont stagner plus longtemps dans l'épaisseur de l'éboulis, car ils sont plus lourds que l'air.
Pour l'heure, nous venons de déclencher la mise à feu. Un rapide coup d'œil avant de partir nous indique qu'un volume impressionnant de gravats a obstrué la faille. En fait, c'est tout à fait normal en sachant que si l'explosion a déplacé un mètre cube de roche compacte, cela correspond évidemment à un volume de cailloux beaucoup plus important. Donc, pour la prochaine fois, il faudra prévoir beaucoup de monde pour dégager tout ça…

 

Mardi 6 février 2001
Depuis quelques jours, nous sommes tracassés par un léger doute levé par Jacques.
Nous savons que les courants d'air de la Petite et Grande grotte proviennent du même endroit ; en fait ce que nous cherchons à atteindre ! Nous savons aussi que dans la faille des Genevois (Petite grotte), la configuration de celle-ci ressemble étrangement à la nôtre. Donc, si nos deux failles sont en réalité la même, la question est de savoir lequel des 2 endroits est le plus avant ?
A défaut d'un plan ultra précis où l'on verrait la superposition des deux grottes, nous avons eu l'idée de brûler un bâton d'encens dans la faille des Lausannois, puis d'aller dans l'autre grotte pour détecter l'odeur caractéristique.
Dans ce but, c'est en compagnie de Jacques que nous nous retrouvons à trois un soir de semaine. Après avoir placé le bâton d'encens dans la faille des Lausannois où nous constatons qu'un bon courant d'air se dirige en direction de l'entrée, nous nous déplaçons dans la Petite grotte jusqu'à la faille des Genevois. Là, c'est avec allégresse que nous sentons le parfum de l'encens. En conséquence, il semblerait bien que l'endroit où nous travaillons soit le plus propice puisqu'il est le plus amont. Mais là encore, ce n'est pas vraiment garanti, car il arrive parfois que les courants d'air nous jouent des tours. Donc dans l'incertitude, la solution efficace serait de refaire des mesures topographiques très précises dans chaque grotte. Jacques a l'air motivé, c'est pourquoi nous en saurons plus dans quelque temps.

 

Samedi 3 mars 2001
Au club spéléo de Lausanne, nous avons réussi à recruter des intéressés. Sept personnes sont au rendez-vous, ce qui, en regard de la montagne de cailloux provoqués par le dernier minage, ne sera pas de trop pour la tonne et demie de roche à évacuer !
Avec Claudal, nous sommes heureux d'être enfin plus nombreux. A deux c'est vraiment pénible, et même en faisant attention ce n'est jamais bénéfique pour le dos.
Aujourd'hui, nous pouvons faire une chaîne avec les seaux. Cette méthode crée une ambiance vraiment sympathique puisque chacun peut converser avec ses voisins. A quelques mètres du ressaut, nous avons découvert une petite lucarne latérale conduisant dans une petite chambre hermétique. C'est un coup de chance, c'est l'endroit idéal pour y déposer nos gravats. L'orifice d'accès est quelque peu étroit pour le passage des récipients, mais un petit minage aura vite fait de régler le problème...
Dans l'après-midi, la faille est enfin dégagée des éboulis qui l'encombrait. On se rend alors compte de l'efficacité de notre nouvelle technique de minage, qui nous a permis d'avancer d'un mètre cinquante. Bien entendu, cela nous encourage à renouveler l'opération. Donc pour aujourd'hui, afin de préparer le terrain pour la prochaine séance, nous devons encore percer et faire sauter nos charges avant de quitter les lieux.

 

Samedi 17 mars 2001
Affluence record aux Fées ! Nous sommes 10 personnes, dont 2 de la section du Valais (GSR). Ces échanges entre clubs sont très profitables, ils permettent de tisser de nouveaux liens.

Pour l'occasion, nous avons acheté de nouveaux seaux afin qu'il n'y ait pas de temps mort entre les allées et venues.
De nouveaux outils viennent également compléter l'ensemble, notamment un râteau et une pelle en Inox, confectionnés tout spécialement afin de remplir aisément les seaux. En effet, lorsque nous sommes nombreux comme aujourd'hui, le poste occupé en début de chaîne est très éprouvant, il faut remplir les récipients sans discontinuité pour ne pas ralentir tout le système. De temps en temps, quelqu'un d'autre prend la relève, et l'on profite habituellement pour intervertir d'autres postes sur le parcours ; l'exiguïté fait que certains endroits sont plus pénibles que d'autres.

L'après-midi, après avoir déblayé la faille, le bilan est extrêmement positif. Nous avons extrait plus de deux tonnes de rochers pour une avance d'environ 1,5 mètre. Il faut savoir qu'en forant des trous d'un mètre, la quantité d'explosif et le fait de positionner les trous sur une ligne droite créent une sorte d'onde de coupe qui se propage bien au-delà de la profondeur de perçage. Il arrive fréquemment que la roche ne soit pas entièrement décollée des parois, mais si elle est bien effritée et quelques coups de masse et de barre à mine permettent d'achever le travail.
En regardant dans le prolongement de la fissure, nous avons l'impression qu'un élargissement se profile environ deux mètres devant nous. Cependant, il est difficile d'évaluer son ampleur ; c'est peut-être une simple niche ou un petit élargissement momentané. Dans tous les cas, c'est très stimulant, car c'est peut-être aussi le début d'une zone pénétrable qui permettra enfin de concrétiser nos rêves…
Pour l'heure, la plupart des gens ne sont plus d'aucune utilité et ressortent. Pour Claudal et votre serviteur commence alors le travail habituel de perçage et minage. Si tout se passe bien, cette tâche va nous prendre un peu plus de deux heures.

 

Samedi 31 mars 2001
Aujourd'hui, chacun est très motivé à la suite de la lueur d'espoir entrevue il y a quinze jours. D'ailleurs, les 11 personnes que nous sommes sont pratiquement les mêmes que la dernière fois ; les Valaisans venus à quatre sont toutefois mieux représentés.
Le dernier tir a bien réussi, car la faille est intégralement bouchée. Le travail de fourmi peut alors commencer, avec ses habituelles allées et venues de seaux tantôt pleins tantôt vides. Dans cette atmosphère saturée de vapeur et d'humidité, l'éclairage diffus de notre guirlande électrique crée une ambiance surnaturelle. Le moral est dantesque et la besogne avance bon train.
De temps à autre, des blocs plus volumineux émergent du tas de cailloux que l'on s'évertue à débarrasser. S'ils ne sont pas trop lourds ils sont déplacés de mains à mains, sinon nous les réduisons en petits morceaux à l'aide d'une masse. Dans le pire des cas, lorsque la roche est vraiment compacte, nous avons recours aux micros charges explosives qui font partie intégrante du notre matériel.
A midi… nous stoppons les travaux afin de contenter ceux qui crient famine depuis un moment ! Habituellement, comme nous sommes à 200 mètres de l'entrée, nous ressortons. Mais lorsque dehors il fait très froid comme ces derniers jours, nous préférons rester dans la grotte où la température constante est de l'ordre de 6 à 8 degrés. Chacun sort son pique-nique, très attendu après les efforts matinaux. Les Valaisans ont pris de bonnes habitudes, ils emportent systématiquement le vin. Chacun en profite avec modération, sinon l'ardeur de l'après-midi va s'en faire ressentir...
Rapidement, les travaux de déblaiement reprennent, car à partir du moment où l'on ne bouge plus le froid nous gagne gentiment.
Dans la faille, nous avons à peu près extrait tous les cailloux du précédent minage. Le fameux élargissement que l'on distinguait est maintenant à portée de mains. Cependant, nous allons devoir encore effectuer un tir de micros charges, une étroiture actuellement impénétrable en défend l'accès. Derrière, nous devinons qu'il y a un petit puits. L'excitation est à son comble, et c'est bien compréhensible dans ce genre de situation.
Bientôt, les quelques grammes d'explosif ont eu raison de l'étranglement. Je peux maintenant m'insinuer au-delà en prenant garde où je pose les pieds. Je descends d'environ deux mètres, et à ce niveau je me retrouve effectivement dans un élargissement... d'environ 80 centimètres !
Merde !... c'est foutu !… … je suis debout sur de gros blocs qui occupent la totalité du sol, et devant moi c'est également obstrué.
Après l'exaltation, place à la tristesse. C'est le tribut à payer dans ce genre d'aventure, mais certains d'entre nous y sont plus habitués que d'autres…
Le courant d'air semble provenir de l'éboulis au sol, c'est pourquoi j'essaye de remuer quelques blocs. Toutefois, la plupart sont volumineux et nécessitent d'être minés. En basculant mon corps vers le bas pour y voir de plus près, je distingue entre deux rochers un petit espace où j'aperçois une paroi un peu plus bas. Je retrouve un peu d'espoir, je distingue comme des cupules, signe que l'eau a passé par là à une certaine époque.
Pour aujourd'hui, nous n'allons pas pouvoir faire grand-chose de plus, nous sommes presque au terme de la journée. C'est à tour de rôle que certains viennent voir le bas du puits, car il n'y a même pas la place pour s'y tenir à deux. Avec Claudal, nous décidons quand même d'effectuer un dernier tir avant de partir. Ceci dans le but d'agrandir le passage menant au puits, mais également pour réduire le bloc le plus important du lot.

 

 

L'heure du bilan a sonné…
Au terme de 4 sorties où la participation fut suffisante, nous avons progressé d'environ six mètres, portant à presque une dizaine de mètres la longueur totale désobstruée depuis le début des travaux dans la faille des Lausannois. Le terminus, un petit puits formant un élargissement, est encombré de blocs. Pour continuer il suffirait donc de les enlever, mais le gros problème est qu'il n'est plus possible de stocker les cailloux dans la petite chambre habituelle, actuellement comblée. La seule possibilité, c'est d'acheminer les seaux jusque dans les grandes salles à près de 40 mètres de distance !!! Mais dans cette optique, il faudrait disposer d'une chaîne humaine d'au moins 20 personnes, ce qui n'est absolument pas envisageable.
Avec Claudal, c'est pour nous une nouvelle déception, et en quelque sorte un retour à la case départ !...

Au mois d'octobre, Jacques vient de terminer les nouvelles mesures de topographie de la Petite grotte, et nous disposons maintenant d'un plan général avec la superposition des 2 cavités. Nous avons ainsi la confirmation que les failles terminales des deux grottes ont la même orientation, mais avec un décalage latéral d'environ cinq mètres. Est-ce les 1 à 2% de marge d'erreur normale de nos topographies prouvant que c'est la même faille, ou alors ce sont deux failles parallèles bien distinctes ? Dans tous les cas, nous savons aujourd'hui ce que nous soupçonnions avec le test à l'encens, à savoir que la faille des Lausannois et bel et bien le point le plus avant des 2 grottes.
Mais est-ce bien utile au stade où en sont les choses ?...
En sachant pertinemment que nous ne trouverons jamais les 20 personnes pour venir déplacer des tonnes de cailloux sur 40 mètres de distance, cette nouvelle information ne fait qu'enflammer la blessure…

Alors que faire ?...

Cette question, je l'ai retournée dans tous les sens pendant fichtrement longtemps, sans jamais trouver une solution convenable. Avec le temps, les choses se sont quelque peu tassées et mes intérêts se sont tournés vers d'autres projets.

 

 

Samedi 22 mars 2003
Dans une semaine, cela fera exactement 2 ans que nous avons déserté le chantier des Fées. Avec Claudal, nous n'avons jamais vraiment réussi à digérer notre abandon. Quand quelque chose tient fortement à cœur, il est difficile d'y renoncer, a fortiori quand c'est la seconde fois coup sur coup (cf. Introduction). Dans le premier cas nous n'avions pas vraiment le choix étant donné que c'était pour des raisons de sécurité. Aux Fées, c'est simplement par de manque de main d'œuvre.
Par conséquent, nous avons pris une grande décision, la seule qui soit vraiment réalisable afin de permettre à une petite équipe de continuer la désobstruction : nous allons entreprendre de gros travaux d'aménagement afin d'agrandir les lieux pour permettre de poser des rails et des tyroliennes, servants au transport des seaux sur une distance de 40 mètres. Les gravats seront ainsi déposés dans les grandes salles, où nous avons toute la place à disposition pour des dizaines d'années de désobstruction…

Au club de Lausanne, notre décision est accueillie avec scepticisme. Certains n'ont d'ailleurs jamais cru à nos travaux et sourient déjà à la pensée de nous voir continuer à perdre notre temps dans un lieu si connu et fréquenté tel que la Grande grotte aux Fées, parcourue par des hordes de visiteurs du dimanche. Pour nous, ce manque d'intérêt n'est pas autrement pathétique puisque dès le début des travaux nous avons été habitué à travailler en nombre restreint.

En ce samedi à la veille du printemps, c'est donc à deux que nous nous retrouvons nos chères "Fées", que nous avions délaissées pendant si longtemps...
Comme nous allons agrandir tous les passages jusqu'au puits terminal, nous décidons de commencer les travaux à partir des salles, le nouveau lieu d'exutoire officiel pour les gravats. Ainsi, cela nous permet de poser les rails et tyroliennes et d'utiliser immédiatement ces moyens de transport, à mesure que l'on va avancer vers le fond.
Actuellement, nous sommes dans le passage à Grand-Père, où nous avons prévu de poser le premier rail. Nous sommes donc occupés à creuser le sol afin de gagner de la hauteur, mais également pour qu'il soit régulier sur une longueur d'environ six mètres. A l'origine, ce passage n'était franchissable qu'en rampant, cela nécessite aujourd'hui une hauteur suffisante pour y faire passer un chariot avec un seau rempli de pierres. En creusant, de gros blocs apparaissent, nous obligeant à devoir sortir le matériel de minage.
En fin de journée, le passage à Grand-Père est prêt à accueillir le rail. Le problème… c'est que nous n'en avons pas ! Et c'est de même pour les chariots !... J'ai pris contact récemment avec nos amis valaisans, et ils sont en train de chercher dans les anciennes mines désaffectées de leur région.

 

Samedi 19 avril 2003
Les Valaisans ont trouvé une mine où il reste quelques bouts de rails ainsi qu'un vieux chariot. Nous sommes allés voir sur place, et là, nous déchantons immédiatement. Le chariot en question est une sorte de wagonnet de près d'un mètre de hauteur, et qui plus est, doit peser au moins une tonne ! C'est bien dommage, car il est en parfait état et possède un dispositif ingénieux permettant de vider sa charge en basculant latéralement. Ce n'est pas un outil envisageable de par son gabarit, car il ne passerait pas sur la totalité de notre chantier. Par ailleurs, il faudrait des moyens considérables pour l'amener sur place.
Pour les rails, en regardant de plus près ceux que nous avons sous les yeux, nous constatons qu'il s'agit de simples barres de fer avec un profil en T. Des traverses, soudées tous les mètres permettent de conserver l'écartement. Tout ceci est d'autant plus génial que c'est tout simple à fabriquer. Ceux que nous avons là sont en très mauvais état, mais ce n'est pas grave, nos amis connaissent une ancienne carrière avec un bâtiment sur le point d'être démoli, où l'on trouvera facilement ce genre d'articles. Pour arranger le tout, ils connaissent aussi un petit atelier de serrurerie où nous avons la possibilité de débiter et souder nos éléments. Quelques heures plus tard, l'affaire était classée ! Nous disposions de 2 rails avec un écartement de 30 centimètres, pour un parcours total de douze mètres. Il ne restait plus qu'à fabriquer les 2 chariots, un pour chaque longueur. Mais pour cela, les Valaisans nous avaient déjà amplement aidés, nous décidions avec Claudal de les fabriquer nous-mêmes.

Aujourd'hui, en ce week-end Pascal, nous nous retrouvons à cinq dont 2 Valaisans. Nous mettons en place le premier rail dans le passage à Grand-Père. Les traverses sont recouvertes de graviers dont le tassement permet de caler l'ensemble. Le chantier prend des allures quelque peu professionnelles et nous sommes assez fiers du résultat.
L'amont du rail correspond à une petite chambre où l'on est à nouveau debout, mais deux mètres plus loin il faut poursuivre en rampant. Nous sommes maintenant occupés à creuser le sol afin de gagner suffisamment de hauteur pour le second rail et son chariot. Rapidement, il faut sortir le matériel de minage, de grandes lames de rocher nous empêchent de poursuivre. Pour l'évacuation des cailloux, c'est dommage de ne pas pouvoir disposer d'un chariot, qui nous aurait été bien utile sur le rail déjà en place ; il y a une dizaine de mètres à parcourir avec les seaux, et vu l'exiguïté et le manque d'effectif, les conditions de travail sont relativement pénibles.

 

Samedi 3 mai 2003
Avec Claudal, nous étions occupés depuis quelques soirs dans la fabrication des 2 chariots. Pour les roues, il fallait quelque chose qui glisse bien, donc inévitablement monté sur roulement à billes. N'étant pas équipés pour tourner certaines pièces, nous avons demandé à Dominique, un ami Valaisans travaillant dans la mécanique de précision. A la livraison, quelle ne fut pas notre surprise de constater que non seulement il avait créé les pièces qu'on lui avait demandées, mais également tout ce qui va avec, soit 2 chariots complets prêts à être utilisés ! Ils étaient d'ailleurs tellement clinquants que l'on aurait pu les exposer dans une vitrine !…
Cependant, on se retrouvait avec 4 chariots, dont 2 n'avaient toujours pas de roues... Le modèle "professionnel" était composé d'un plateau en tôle striée, monté sur un châssis aluminium équipé de roulettes. Pour le modèle "bricoleur", nous avions conçu un châssis métallique surmonté d'une armature empêchant le seau de se déplacer, donc de se renverser. Deux chariots nous suffisaient amplement, c'est pourquoi notre choix fut intermédiaire, à savoir que nous allons utiliser un des chariots valaisans tel quel, alors que le second sera équipé de notre dispositif anti-renversement. Nous étions maintenant fin prêts pour continuer les aménagements, et surtout impatients, tels de grands enfants, de tester nos nouveaux jouets…

Aujourd'hui, 4 Lausannois et 3 Valaisans ont répondu à l'appel. Nous sommes occupés à l'emplacement du second rail afin de poursuivre l'abaissement du sol pour le passage du chariot. La roche en place complique énormément les choses et nous oblige à miner à maintes reprises. Hélas, cette activité nous fait perdre un temps considérable, ce qui est regrettable aujourd'hui puisque nous disposons d'une bonne main d'œuvre.
Sur le premier rail il y a de l'ambiance, et chacun veut tester le chariot flambant neuf. Il faut reconnaître que c'est une totale réussite, d'autant qu'une fois les seaux en place le chariot descend tout seul pour franchir le passage à Grand-Père. D'ailleurs, ce fameux grand-père serait bien surpris aujourd'hui et ne reconnaîtrait plus son passage ! Il faut savoir qu'à l'origine, il n'était praticable qu'en rampant...
En fin de journée, le terrain est parfaitement nivelé et peut accueillir le second rail. Il nécessitera encore quelques améliorations afin de stabiliser le tout, mais ce sera pour la prochaine fois. Nous testons également le second chariot, et comme pour le premier, il nous donne entière satisfaction.

 

Vendredi 16 mai 2003
Pour la suite des aménagements, nous devons agrandir le petit méandre conduisant au ressaut de deux mètres. Dans ce passage étroit et irrégulier, nous avons prévu d'y placer un gros câble sur lequel nos seaux coulisseront sur des poulies.
Lors des dernières séances, nous nous sommes rendu compte que nous perdons pas mal de temps avec le minage, alors que les autres doivent attendre sur nous. Avec Claudal, c'est donc en soirée que nous nous retrouvons afin de préparer le terrain pour le lendemain. J'ai envoyé des messages à une dizaine de personnes, et nous attendons des participants pour l'évacuation des déblais.
Dans le méandre, nous travaillons à l'aide de micros charges, qui sont amplement suffisantes pour enlever les quelques dizaines de centimètres de roche entravant le passage des seaux.
En fin de soirée, après plusieurs tirs, nous avons assez de quoi nous occuper pour le lendemain.

 

Samedi 17 mai 2003
Avec Claudal, nous sommes au rendez-vous depuis une demi-heure. Visiblement, il n'y a personne d'autre !…
Depuis quelques années, avec l'essor du réseau Internet et notamment son système de messagerie, nous avons pour habitude d'informer les gens par courriel, à propos des dates retenues pour nos travaux aux Fées. C'est extrêmement pratique, cela touche instantanément toutes les personnes concernées, et prend moins de temps qu'avec le téléphone. En revanche, jusqu'au dernier moment nous ne savons pas quelles sont les personnes qui viendront ; la plupart se décident à la dernière minute ou alors ne prennent même pas la peine de répondre... Aujourd'hui, il faudra donc nous contenter de nous-mêmes !
La journée est exténuante, et malgré les chariots il faut constamment se déplacer avec les charges. Nous avions prévu en fin de journée de mettre en place le premier câble, il nous faut vite oublier ; l'aménagement du méandre est encore loin d'être terminé. Avant de partir, nous effectuons encore un gros tir avec de multiples charges séparées, en espérant qu'il y aura suffisamment de participants pour la prochaine fois…

 

Samedi 14 juin 2003
Une fois de plus, et malgré de nombreux contacts, nous nous retrouvons en effectif réduit. Outre les 2 habitués, il n'y a que Jacques pour nous aider.
Il faut reconnaître que ces travaux d'aménagement ne sont guère motivants, et de surcroît en sachant qu'il faudra encore de nombreuses sorties avant de pouvoir poursuivre réellement la désobstruction au terminus de la faille des Lausannois. Donc avec Claudal, nous comprenons que les gens ont mieux à faire... Cependant, c'est peu motivant pour nous, car nous savons qu'une journée épuisante nous attend, où il faudra évacuer à nous trois plusieurs centaines de kilos de rochers.

En fin de journée, l'aménagement du petit méandre est enfin terminé. Son profil est maintenant rectiligne et peut accueillir un câble d'une longueur d'environ huit mètres. Après avoir posé des amarrages de chaque côté, nous mettons en place le filin d'acier. La prochaine fois, à l'aide d'un "Tandem", un outil conçu pour le transport de charges lourdes, nous pourrons profiter de cette tyrolienne pour déplacer les récipients.
Nous quittons les lieux sans regret, avec le dos quelque peu... en compote !

 

Samedi 1er novembre 2003
La belle saison nous ayant occupé vers d'autres travaux spéléologiques plus agréables, les mauvais jours du milieu de l'automne nous incitent à retrouver nos "Fées". Ces derniers mois, nous avons passablement parlé de nos activités en dehors du club, dans le but de recruter des gens.
Hélas, il semblerait que cela n'a pas porté ses fruits, aujourd'hui nous ne sommes que trois, à savoir les mêmes que la dernière fois !
Toutefois, nos batteries ont eu quelques mois pour se recharger, c'est donc avec un meilleur moral que nous reprenons les activités. Le matériel en place n'a pas trop souffert, malgré les dizaines de curieux qui ont dû venir en ce lieu, attirés par les rails.

Les aménagements reprennent. Dans la salle qui précède le Passage à Grand-Père, nous mettons en place un gros câble d'acier. D'une longueur de 15m, celui-ci va nous permettre de déplacer nos seaux avec un minimum d'efforts, pour les décharger à l'endroit désiré. Ce câble devant supporter le poids de 2 seaux pleins, nous plaçons deux gros amarrages de chaque côté.

Ensuite, nous sommes occupés à l'aide des habituelles micros charges, dans l'agrandissement du ressaut de deux mètres. Pour l'évacuation des cailloux, le manque d'effectif nous handicape une fois de plus. Il faut s'imaginer la scène : une personne est occupée à remplir les seaux, tandis que les 2 autres effectuent les navettes entre la première tyrolienne, les 2 rails et l'exutoire où nous déposons nos déblais.

Au milieu de l'après-midi, nous faisons le point sur la situation. Malgré les travaux de la journée, nous nous rendons compte que le ressaut va nous handicaper sérieusement. Le passage n'est pas vraiment vertical, ce qui veut dire que même si nous installons une poulie, les seaux vont frotter contre la paroi, ce qui risque de renverser le contenu. De plus, ce passage va nécessiter 2 personnes dans les manoeuvres ; la première au bas du ressaut pour installer le seau sur la corde, la seconde au sommet pour le récupérer.
Après quelques palabres, Jacques trouve une solution pour le moins radicale...
Etant donné que ce ressaut nous embarrasse, pourquoi ne pas faire tomber la voûte afin supprimer l'obstacle puisque derrière la faille reprend de la hauteur ? Cette option permettrait également de supprimer le poste au bas du ressaut. Ainsi, un câble relierait directement le haut du ressaut avec le terminus de la faille.
Après quelques réflexions sur la faisabilité du projet, nous nous rendons compte que c'est tout à fait réalisable hormis le fait que cela va générer une montagne de roche à déplacer. En définitive, nous n'en sommes plus à quelques tonnes près... c'est pourquoi l'idée est acceptée.
Pour l'heure, Jacques nous quitte. Avec Claudal nous décidons de commencer le percement de la voûte afin d'effectuer un tir avant de quitter les lieux. Nous forons plusieurs trous d'un mètre de profondeur, ce qui prendra passablement de temps.
Au final, cette journée fut très laborieuse. Mais au vu des gravats générés par notre dernier tir, il semblerait que c'est l'enfer qui nous attend !... Il faut vraiment que nous soyons plus nombreux.

 

Samedi 15 novembre 2003
Malgré des messages envoyés à une douzaine de personnes, nous ne sommes que trois au rendez-vous. Cela commence vraiment à devenir déprimant. Les Valaisans ont déserté le chantier depuis plusieurs mois, et au vu de la faible participation au cours des 4 dernières sorties, il semblerait bien que les autres aient également perdu le goût !... Si cela continue dans ces conditions, nous allons devoir stopper les travaux par manque d'effectif. Ce serait vraiment terrible après toute l'énergie que nous avons déjà investie.
En plus, et pour la première fois depuis le début des travaux, Claudal n'est pas présent. C'est d'ailleurs assez bizarre de ne pas le voir en ces lieux, car en tant que protagonistes nous avons presque l'impression que nous faisons partie du décor…
Toutefois, il y a 2 nouveaux, à savoir Bernard et Franklin, les frères "battants" du spéléo club de Cheseaux (SCC). Cela fait plaisir de voir de nouvelles têtes, mais c'est surtout réconfortant de disposer d'un peu de sang neuf pour peut-être reprendre le flambeau que certains ont délaissé. Je suis malgré tout sceptique en connaissant le travail qui nous attend ; je ne peux donc espérer qu'ils ne seront pas dégoûtés trop rapidement !

Le dernier tir fut exceptionnel de par son efficacité. Inévitablement, ce n'est plus quelques centaines de kilos qu'il faudra évacuer, mais des tonnes !
Malgré tout, c'est avec une énergie débordante que les seaux sont remplis et déplacés sans relâche. En fin de journée, le passage est bien dégrossi. Le ressaut n'existe plus, mais il y a encore bien à faire avant de poser le futur câble. Nous en avons suffisamment fait pour aujourd'hui, et de toute façon le goût n'y est plus. Il faut savoir qu'en ce moment, ce n'est pas un euphémisme de dire que chacun en a "plein le dos" ! Cela dit, je suis très content, nos 2 frangins se disent très emballés par cette désobstruction ; j'attends seulement de voir si c'est fondé ou s'ils m'ont dit cela pour me faire plaisir…

 

Vendredi 21 novembre 2003
En soirée, c'est en catastrophe que je rejoins les Fées ; il faut absolument que je prépare le terrain pour le lendemain. En effet, le matin je n'avais encore aucune inscription, mais quelques personnes se sont néanmoins manifestées au cours de la journée. Je reconnais que j'ai employé les gros moyens puisque j'ai annoncé cette sortie à près de 20 personnes ; donc, il serait dommage de ne pas profiter de cette "manne" inespérée.
L'aménagement de l'ancien ressaut de 2 mètres n'étant pas terminé, je suis occupé à percer de nombreux trous pour une mise à feu simultanée. L'explosion sera assez conséquente mais parfaitement maîtrisée. Concernant les gaz, ils ne devront pas poser trop de problèmes pour le lendemain, à cette saison le courant d'air se dirige vers l'intérieur de la montagne.

 

Samedi 22 novembre 2003
Pour ma part la nuit fut relativement courte…
En ces temps difficiles, cela fait bien plaisir de retrouver autant de monde, soit 5 participants. Claudal est absent pour la troisième fois, ce qui m'inquiète. Heureusement qu'il y a 2 membres du club de Lausanne et 2 de Cheseaux.
Le tir du soir précédent fut excellent. Par ailleurs, l'appareil digital qui mesure la présence de gaz ne détecte absolument rien. Les conditions sont donc réunies pour un travail de qualité.
En fin de journée, notre mission est accomplie ; tous les déblais du dernier tir sont évacués.

   

 

Samedi 29 novembre 2003
Pour nous changer les idées, avec Claudal nous avons prévu de descendre au fond du gouffre de Longirod (Vaud / Suisse). Sur place, les premières neiges nous empêchent d'accéder à la cavité, ce qui nous amène à revoir le programme de la journée. Nous nous rabattons alors sur les "Fées", puisqu'elles nous accueillent à bras ouverts par n'importe quelles conditions météo.
Cette journée marque également le retour "au bercail" de Claudal, après 3 séances d'abstinence...
Nous commençons l'aménagement de la dernière ligne droite à savoir : la faille des Lausannois. En effet, lors des désobstructions en 2000 et 2001, nos minages successifs nous laissaient juste de la place pour s'y déplacer à "l'Egyptienne", c'est-à-dire le corps placé perpendiculairement à l'axe de progression. Un câble étant prévu sur toute la longueur de la faille, la largeur n'est pas suffisante pour le passage des seaux au niveau du filin. En conséquence, les techniques de micro charges reprennent du service. L'effectif étant réduit… les éboulis occasionnés par les tirs sont laissés tels quels au fond de la faille.

 

Samedi 13 décembre 2003
Nouvelle journée entre 4 yeux, évidemment les 2 obstinés !...
Nous posons un câble provisoire sur toute la longueur de la faille, afin de permettre d'évacuer les gravats lorsque nous serons plus nombreux.

Nous continuons nos travaux de minage au sommet du puits qui termine la faille des Lausannois. Il est prévu d'y installer un système de poulies pour hisser les seaux. Dans ce but, nous ressortons nos grands forets afin que le tir génère un espace suffisant. Nous avons également apporté de nombreuses planches épaisses afin de boucher l'orifice du puits. En effet, l'explosion sera conséquente et ce serait dommage que tous les cailloux finissent au fond ; espérons seulement que nos planches résisteront sous le poids.
La mise à feu synchronisée de toutes nos charges met un terme à cette journée.

 


Dans un autre contexte, de mauvaises rumeurs circulent depuis quelque temps au sujet de nos activités aux Fées, à propos de travaux soi-disant surdimensionnés. C'est d'autant plus désagréable que certains de ces bruits émanent directement du sein de notre équipe de désobstruction. Une petite mise au point s'imposait afin de clarifier la situation, qui pouvait se résumer de la manière suivante :

Il n'est pas utile de préciser que depuis quelques mois, les galeries au fond de la Grande grotte aux Fées prennent des allures d'autoroutes. D'ici peu, nous serons prêts à poursuivre les désobstructions dans la faille des Lausannois et évacuer les cailloux sur une distance de près de 40 mètres.

Pour beaucoup d'entre nous cette désob est une quête, celle de découvrir un jour l'accès à un réseau dont nous sommes persuadés de l'existence et de l'ampleur qu'il prendra.
Cela dit, nous savons tous que ce rêve a un prix : celui d'agrandir certains passages de la grotte afin de pouvoir poursuivre les travaux avec un effectif restreint étant donné que la main d'oeuvre se fait rare. C'est donc le lourd tribut à payer envers la nature pour pouvoir continuer les travaux et avoir ainsi la possibilité de franchir ce verrou rocheux.
Au cours de cette année, la participation moyenne sur 12 sorties était de... 3 personnes ! Ce manque d'enthousiasme ne fait que confirmer qu'il n'est pas possible de continuer sans avoir recours à de gros moyens tels que le minage, la pose de rails, câbles, etc.

Dans cette optique, il est important que les gens qui participent soient pleinement conscients des enjeux et assument totalement leur part de responsabilité dans l'aménagement de ce chantier.

 

Samedi 20 décembre 2003
Lors des 2 dernières séances, nous avons préféré consacrer notre temps au minage, principalement à cause du manque d'effectif. En conséquence, il en résulte aujourd'hui une belle quantité d'éboulis qui encombre la faille sur toute sa longueur.
Par chance aujourd'hui, 7 valeureux chevaliers de la désob sont présents, donc la force est avec nous !... Il faut d'ailleurs remonter d'une dizaine de sorties pour retrouver une telle affluence. Cette fois, outre les 2 abonnés, nous pouvons compter sur deux Lausannois et trois de Cheseaux. Pour ces derniers, il semblerait bien que tout comme nous, ils sont maintenant épris des "Fées"… cet amour si particulier et inhabituel qui procure la volonté de revenir.

Au puits terminal, le dernier tir a comblé la faille jusqu'au plafond. Les planches que nous avons disposées ont l'air d'avoir rempli leur mission : empêcher que les blocs rebouchent le puits. Le câble que nous avions placé au plafond puis déposé avant le tir se trouve maintenant au niveau du sol, il y a donc de quoi s'occuper !
Ainsi, le travail de titan peut maintenant commencer, avec ses habituels déplacements de seaux.
Le principe des rails et tyroliennes fonctionne à merveille. Les postes de chacun sont répartis sur la longueur du chantier afin de permettre aux seaux de passer d'une installation à l'autre.
Cette journée sera placée sous le signe de la bonne humeur, chacun sait que les aménagements arrivent bientôt à leur achèvement.

 

Vendredi 26 décembre 2003
Pour cette ultime séance de préparation, je suis en compagnie de Williams (SCC). Dans la faille des Lausannois, nous avions placé provisoirement un câble afin d'évacuer les cailloux générés dans l'agrandissement de cette dernière. Maintenant, nous pouvons mettre en place le filin définitif sensiblement plus long, jusqu'au sommet du puits terminal.
Après cela, les travaux préparatoires seront quasiment terminés ; Claudal devra encore passer un de ces prochains jours pour vérifier le câblage électrique et mettre en place une guirlande lumineuse.

 

 

 

Epilogue 2003
Pour nous deux, c'est enfin l'accomplissement d'un but que nous nous sommes fixé 9 mois auparavant, celui d'aménager les lieux afin de poser des rails et des tyroliennes pour transporter des seaux sur une distance de 40 mètres. Cette préparation ne s'est pas déroulée sans efforts puisqu'elle aura demandé 15 séances laborieuses, soit bien plus que ce que nous avions imaginé. Par ailleurs, la moyenne de participation s'élevant à 3 personnes, il ne s'en est fallut de très peu pour que le chantier soit définitivement abandonné. Le salut n'a tenu qu'au renfort des spéléos valaisans (GSR) en début de saison, et ceux de Cheseaux (SCC) en fin d'année. Qu'ils en soient infiniment remerciés.

 

L'année prochaine, en 2004, c'est enfin reparti pour la suite de la désobstruction au terminus de la faille des Lausannois. Nous ne pouvons qu'espérer que les fées ne tarderont pas trop longtemps à livrer leurs secrets…

 

 

Les principaux artisans désobeurs

 
 




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